Jeudi 19 mars 2020
Avec tous mes collègues en télétravail, il nous arrive d'avoir quelques petits soucis techniques avec le téléphone de temps en temps. Du genre, un client appelle, mais comme justement à ce moment là les 20 lignes dispo sont occupées, j'essaie de décrocher mais rien ne se passe jusqu'à ce qu'une ligne se libère, et là j'essaie de rappeler le client et entre temps quelqu'un d'autre a repris la ligne, il essaie de me rappeler et ainsi de suite. Et hier, j'en ai quand même eu un qui était carrément euphorique et limite au bord des larmes de réussir à me parler - le pauvre doit être en télétravail sans personne à qui causer - il avait tellement peur qu'il me soit arrivé quelque chose...
Mon chef a mis en place une mini-réunion en skype avec toute l'équipe, deux fois par semaine, juste comme ça pour rien. On parle un peu boulot, on raconte comment ça se passe chez l'un ou chez l'autre, on s'assure que tout le monde va bien, et il y en a toujours un pour raconter une blague (bonne ou pas, je vous rassure, il y a toujours des gens qui racontent des mauvaises blagues, ah ah ah). Et puis voilà, chacun repart à ses occupations...
Et puis il y a ce collègue du bureau d'à côté qui habituellement grommelle à peine un bonjour quand tu le croises à la machine à café, et qui t'appelle subitement deux fois par jour et sa première question est immuablement "est ce que tu vas (encore) bien ? et ta famille ?".
Bref, des exemples comme ça il doit y en avoir des tonnes, tout ça pour dire que certaines personnes redeviennent humaines, voire limite fréquentables 😊.
Waow, je suis quand même impressionnée du pouvoir de ce petit virus...
Eh, les gens, et si on continuait ce truc, l'empathie, que certains semblaient avoir oublié, après, quand tout ça sera fini ?
Et sinon, à mes lecteurs qui sont plus loin, dans des régions qui sont encore un tant soit peu préservées, je voulais juste dire... ce que vous voyez à la télé est très loin de la réalité, la réalité c'est ce que veulent bien nous dire nos ami(e)s qui travaillent en première ligne à Mulhouse ou à Bâle, et cette réalité là n'est vraiment pas chouette à entendre ou à lire... La réalité c'est ce que nous racontent nos amis italiens, et ça fait froid dans le dos...
Mon Zhom a coutume de dire que le jour où il s'est retrouvé terrassé en quelques dizièmes de secondes il a commencé à apprendre la patience. Ce n'est pas pour rien qu'on appelle un malade un patient... Alors là, je vous en conjure, (ré)apprenez à être patients s'il vous plait.
Alors quand on vous dit de rester chez vous, ce n'est pas:
- je reste chez moi et j'en profite pour trier mes médicaments périmés et les emmener à la pharmacie, ou pour aller faire la mise à jour de ma carte vitale (vu en live), non, les pharmaciens ont d'autres priorités
- je reste chez moi mais comme j'ai le droit de faire du sport je vais courir 10 km ou rouler 50 km, et si vous vous blessez, vous prenez une place aux urgences, on peut faire de l'exercice, mais en restant prudent et raisonnable
- je reste chez moi mais comme j'ai le droit je sors tous les matins chercher mon journal et faire quelques courses, non, c'est le moment idéal pour s'abonner au journal, ou encore mieux, pour passer au numérique, et c'est aussi le moment idéal pour (re)prendre des bonnes habitudes, vider ses placards et s'astreindre à une visite hebdomadaire au supermarché
- je reste chez moi mais comme j'ai le droit de promener mon chien j'emprunte celui de la voisine (le pauvre !)
- je reste chez moi, mais comme j'ai le droit je pourrais...
Non, c'est je reste chez moi, et si j'ai vraiment besoin de quelque chose, je m'organise et je ne sors pas pour rien, et au passage si c'est possible je rends service à quelqu'un d'autre de mon entourage.
Exemple concret, hier nous nous sommes rendus compte que Zhom n'avait plus assez de médicaments (au passage s'il ne les reprend pas il prend le risque de refaire un AVC et d'encombrer les urgences, c'est pas non plus des vitamines pour avoir de beaux ongles on est d'accord), d'habitude il s'en occupe lui même, mais dans la précipitation des deux dernières semaines, ni lui ni moi n'y avons pensé. J'ai donc organisé ma sortie:
- préparé attestation de sortie, carte d'identité, ordonnance, carte vitale, gants et masque
- pourquoi un masque si t'es pas malade? ben j'ai un peu le rhume des foins alors il m'arrive quand même d'éternuer donc...
- pourquoi un masque les hopitaux en manquent t'es dégueulasse de pas le leur donner! Ben j'ai que des masques de bricolage mais c'est mieux que rien pour moi, clairement si j'avais des FFP2 ou des masques chirurgicaux je ne les garderais pas
- préparé ma liste de courses, essentiellement du frais, pour le reste je déstocke
- lancé un appel sur le groupe de discussion des voisins et chez mes beaux parents, pour vérifier si quelqu'un avait besoin de quelque chose
J'ai ensuite commencé par l'hyper, parce qu'il fermait plus tôt, gants et masque en place, en faisant attention de respecter les distances - ce qui en soi n'était pas très dur vu qu'on était à peu près 1 par rayon - et de ne rien oublier. J'ai croisé un jeune couple très cool qui hésitait entre Pringles et Curly en se bécotant dans les rayons, j'ai eu envie de leur dire de prendre les 2 comme ça ils n'auraient pas besoin de revenir tout de suite, je crois que j'aurais du en fait mais j'étais trop concentrée. J'ai pris bien soin de papoter le temps de mon passage avec la charmante caissière pour lui changer les idées, et j'ai chargé les courses dans la voiture. J'ai remis le caddie et jeté mes gants.
Je suis ensuite allée à la pharmacie, j'ai remis des gants, et je suis allée chercher tout ce dont je pouvais avoir besoin en plus des médocs de Zhom, en restant à distance des autres et en laissant passer un petite mamie qui avait l'air apeurée.
Puis je suis rentrée, j'ai remis de nouveaux gants pour ne pas contaminer les courses de ceux que je devais livrer, et j'ai enfin retrouvé la maison, je me suis lavé les mains, j'ai rangé mes courses et je me suis relavé les mains, et puis je me suis posée, épuisée.
Epuisée parce que cette sortie, en apparence tout à fait anodine, ramenée dans le contexte que nous connaissons ici dans le sud de l'Alsace, avait mobilisé toute mon attention pendant une grosse heure, faire au mieux pour éviter à tout prix de contaminer - pas forcément moi - mais les autres, ceux à qui j'ai amené de courses, qui sont plus fragiles, et mon Zhom et mes enfants en rentrant. Et je vais vous dire, j'espère que je n'aurai pas à y retourner de sitôt, parce que un hyper vide c'est super agréable certes, mais pas dans ces conditions là... La prochaine sortie ce sera samedi pour récupérer notre panier à la Ruche qui dit Oui, qui s'est super bien organisée, de toutes façons on paie en ligne à la commande, et chaque abeille a un créneau horaire à respecter pour récupérer sa commande, c'est juste top, et ça soutient aussi nos producteurs locaux. Et je vous avoue que j'envisage d'y envoyer Grand Loulou, car avec moi il est le seul à pouvoir sortir de cette maison en voiture en limitant un tant soit peu les risques. Mais on verra d'ici là.
Ceci étant dit j'espère que mon message est clair, je veux juste relayer celui de mes ami(e)s soignants, et n'oubliez pas, à 20h tous à vos fenêtres, vos balcons, vos allées, faisons du bruit pour les soutenir!!!
Parce que c'est ensemble - mais chacun chez nous - que nous pourrons combattre efficacement ce vilain petit virus.